jeudi 9 mai 2013

L'homme semence


Dans les derniers moments de sa vie (1ère moitié des années 80), Dane Rudhyar, au cours d'une conférence au R.I.T.A.(le Rudhyar Institute for Transpersonal Astrology qu'il avait fondé) a évoqué le futur de l'humanité. Un futur "global". Depuis longtemps, il avait eu l'intuition que la globalisation était inévitable certes, mais surtout nécessaire, à cause de tout un tas de raisons, dont l'accélération des communications, la possibilité de faire le tour du monde en quelques heures, grâce à l'évolution des transports, les migrations de population aussi, et aussi bien sûr parce que si nous souhaitons - entre autres - entreprendre des actions pour préserver notre écosystème, et rendre hommage à la Terre Mère, il allait falloir nous y mettre tous ensemble.
Bien que connaissant parfaitement les dérives possibles de la globalisation en termes économiques, politiques et sociaux - prise de pouvoir par certains peuples au détriment d'autres appelés à disparaître ou à se fondre dans la masse - et en termes culturels ou religieux, etc ... à cause de cela justement, Rudhyar a toujours plaidé pour l'individuel, le respect des peuples et des cultures, parce qu'il voyait toutes ces parties qui composent notre monde comme des particules conscientes et agissantes, reliées à toutes les autres particules du grand Tout, permettant à chacune d'entre elles de s'enrichir mutuellement et d'agir ensemble.

Dans cette conférence, Rudhyar transmet à ses auditeurs son héritage philosophique, dont le principal est le concept d'homme semence.

Je sens que nous sommes au seuil d'un nouvel âge, et que ce dont nous avons besoin maintenant, bien plus que de quoique ce soit d'autre, c'est d'une nouvelle approche des relations humaines et de l'organisation sociale. Nous avons besoin d'une approche planétaire, il nous faut une approche synthétique. Nous avons besoin de quelque chose qui permette à l'individu de comprendre quelle est sa fonction propre dans le monde, parce que si nous devons vivre dans un monde globalisé, il faut alors que chaque individu se soit construit une identité solide qui lui donne les moyens de coopérer avec tous les hommes de par le monde, indépendamment de leur culture, de leur race, de leurs traditions, etc ...

Pour ce faire, il est donc très important que chacun apprenne comment il peut s'établir solidement dans son identité propre. Nous avons besoin d'un nouveau type d'êtres humains. Nous avons besoin de quelque chose qui ne soit plus autant basé sur la notion de conflit, mais plutôt sur l'acceptation pleine et entière de la totalité de l'être humain, corps, esprit, âme, sentiments, tout. Une approche esthétique en contrepartie d'une approche éthique, de façon à être capable de voir comment tout est en relation à l'intérieur du tout, voir ce qu'est le tout, et s'identifier avec la "totalité" de ce tout, plutôt qu'avec une quelconque de ses parties.

Actuellement, bien sûr, nous sommes dans une situation assez difficile. Nous vivons des temps difficiles et ce qui est devant nous, je ne le sais pas vraiment. Je suis plutôt pessimiste en ce qui concerne le futur immédiat, quand je vois la façon dont le monde avance à l'heure actuelle. Mais il faut bien réaliser que les crises sont parfois nécessaires pour accomplir ce qui doit l'être. Le seul problème toutefois est le suivant : il faut s'être préparé avant que la grande crise arrive - quand un nouveau cycle commence - pour pouvoir partir sur la base des semences qui ont été semées avant la crise. Si à un hiver succède un printemps, mais qu'il n'y a pas eu de récolte, aucune semence ne germera au printemps, et il faudra tout reprendre au début, à l'époque des manifestations les plus primitives.

C'est pourquoi j'ai insisté tout au cours de ma vie sur l'idée que j'appelle"homme semence". C'est l'homme qui veut et peut réunir en lui, tel quel, le passé de l'humanité et particulièrement celui du monde occidental, ainsi que celui des autres cultures, parce que ce que nous désirons voir émerger du futur - quelque soit le genre de crise qui advienne - c'est un monde global.

Pour ce faire, il faut donc des hommes qui aient une grande vision, des hommes qui ne soient pas des spécialistes (des généralistes comme on les appelle parfois maintenant) des hommes qui aient une vision et le courage d'attendre et qui d'une certaine façon, par leur vie et leur exemple, partout ce qu'ils laisseront derrière eux en partage après leur mort, deviendront les semences du monde futur. C'est bien sûr le grand choix qu'il nous est proposé à tous de faire, et nous en sommes tous capables. Nous pouvons nous laisser aller à la vibration de masse et au déclin (pourrissement), comme toutes les feuilles du monde lorsqu'elles tombent à l'automne (aussi belles que ces feuilles dorées puissent être) mais elles devront pourrir de toutes façons, et devenir le terreau du futur de la civilisation ; mais il n'y a que l' "homme semence" qui compte vraiment, et c'est celui-là vers lequel il faut aller, qu'il faut rechercher, si vous-même ne vous sentez pas encore au point pour en devenir un, car c'est la "personne semence" qui seule peut assurer la future renaissance de l'humanité.

Je crois qu'aujourd'hui il est inutile d'essayer de se pencher sur le futur immédiat, parce qu'il est très sombre ; mais il faut regarder - pour s'y préparer - la possibilité qu'un monde nouveau puisse avenir, si ce n'est demain, en tout cas après-demain. Je crois que c'est la seule chose qui puisse donner de la valeur à tous nos sacrifices, à notre courage, à nos décisions et à nos choix d'aujourd'hui : devenir des semences pour le développement du monde futur.

J'espère que chacun d'entre vous, dans sa propre vie, et à sa propre façon, peut un jour prochain, très bientôt - si vous ne l'avez pas encore fait - faire ce choix et devenir "homme semence" et "femme semence".

Je vous remercie.

Dane Rudhyar


Source : http://www.la-route-illuminee.org/Le-Rudhyar-Tribute.php